29 Mai – WHITEHORSE (indie folk – Canada)

whitehorseLa belle histoire du duo torontois Whitehorse se poursuit. Whitehorse pour «cheval blanc», pas pour la ville, soit dit en passant.

Lui, c’est Luke Doucet, né à Halifax, mais ayant grandi au Manitoba. On le connaît comme guitariste hors pair (notamment pour Sarah McLachlan) et auteur-compositeur au flair évident. Son troisième album Broken (And Other Rogue States) – un disque de rupture finement tissé – lui a valu une nomination aux prix Juno en 2006 dans la catégorie «Adult alternative album». Ce sera en 2009, avec son nouvellement formé band The White Falcon, que Doucet récoltera ce prix avec l’album de pop-rock honnête et accrocheur Blood’s Too Rich.

Elle, c’est Melissa McClelland, musicienne qui a grandi à Hamilton, une banlieue universitaire de Toronto. Entre autres choses, elle a pris part à plusieurs tournées de Sarah McLachlan au titre de choriste. En 2001, elle a fait paraître un premier album homonyme et, quelques années plus tard, signait un contrat avec Six Shooter Records, étiquette qui venait de recruter le jolissime Luke Doucet.

A-t-on besoin d’aller plus loin? Oui? Bon.

Boy meets girl, girl meets boy; they fall in love. They start a band. ‘Cause it just made sense. (Et que les deux tourtereaux travaillaient déjà conjointement sur plusieurs projets.)

Whitehorse, ce duo Doucet-McClelland, a fait paraître en 2011 un premier avant-goût, un EP homonyme. L’accueil a été triomphal; les critiques ont adoré, les fans les ont suivis dans leurs aventures matrimoniales musicales. Il n’en fallait pas plus pour que le couple revienne, en janvier dernier, avec The Fate of the World Depends on This Kiss, album qui distille les influences pop, folk et rock des deux interprètes et qui y incorpore une bonne dose de Southern blues. Son titre, d’ailleurs, serait inspiré d’une bande dessinée de Wonder Woman collée sur une table d’un restaurant de Vancouver. «Nous avons apprécié le pathos derrière ce titre. Dans un autre contexte, le titre s’applique à nos vies: notre mariage, nos carrières, notre maison, la vie sur la route, The Fate of the World… recoupait tout ça en une belle formulation», explique McClelland. Doucet ajoute: «C’est romantique et intime, mais ça porte aussi un poids sociétal intéressant.»

En spectacle, le couple met de l’avant un processus dit «organique» – lisons ici que l’expérimentation se révèle partie prenante d’un concert de Whitehorse. Avec cet album en main – opus qui suscite le vif intérêt de la presse spécialisée, qui devrait le mentionner quelque part au prix Polaris 2013 – et une tournée qui ne fait que commencer, on peut supposer que la balade à dos de cheval blanc n’est pas près de se terminer…

7 Juin – Amelia Curran (folk song – Canada)

amelia curranTout droit sorti de profondeurs insondables, sombres et solitaires, Spectators d’Amelia Curran s’intéresse à la fragilité, aux tiraillements, au temps et à ses finitudes. Lancé en octobre 2012 sous étiquette Six Shooter Records, l’album est tempête et refuge tout à la fois.

Lauréate d’un prix JUNO, l’artiste s’aventure sur la voie de la nostalgie et de la perte et, de ses paroles, affronte la beauté et la noirceur de la vie avec un entêtement inconsolable. Avec Spectators, le lyrisme dont elle signe ses dix compositions s’élève vers de tout nouveaux sommets, repoussant les limites du folk caractéristique de ses derniers albums.

Produit par John Critchley, son nouveau disque renferme plus d’une surprise – cuivres, cordes, piano et percussions grondeuses sont notamment au menu. « What Will You Be Building », chant funèbre langoureux de style dixieland, extrait l’existence tout entière d’une simple question. Sombre, tendue et frissonnante, la toile de fond de l’exceptionnel « The Modern Man » offre un contraste frappant avec la vision austère de l’artiste. Même – et peut-être tout particulièrement – les chansons d’amour parviennent à pénétrer jusqu’à la moelle des os. « San Andreas Fault » pour sa part se démarque par le chagrin déchirant qu’il renferme – chagrin tout aussi charmant qu’il en est dévastateur. Dans « Years », qui sert d’introduction à l’album, l’artiste se perd en conjectures : le jeu en vaut-il la chandelle? D’un optimisme éternellement prudent, la chanson représente brillamment les vérités mesurées que comporte l’album.

Originaires de Toronto et de St. John’s, les musiciens invités et les arrangeurs du concert comprennent notamment The OnceTodor KobakovBryden BairdSelina MartinOh Susanna et Martin Tielli.

Spectators a été sélectionné pour un prix JUNO 2013 dans la catégorie meilleur album de musique populaire et traditionnelle : solo.

14 Juin – Lou di Franco

Lou di FrancoOn trouvera difficilement dans l’hexagone une voix comparable : souriante avec du caractère, douce et précise, souple et rétro, rouge vif et chaloupée noir… C’est qu’elle vient de loin, la musique de Lou di Franco, tendre et jubilatoire, sensible et grande classe : d’un pays austère et scintillant appelé Sardaigne, et d’un de ces villages reculés où le soleil pousse la mélancolie à se barricader derrière des lunettes noires…

Fraîchement débarquée de Sardaigne, Lou di Franco serait-elle « la fille de Bakounine » ? au moins parce qu’avec elle vous pouvez discuter de littérature sarde jusqu’au bout de la nuit… et puis aussi, parce que si vous lâchez une trop grosse bourde, la douce Lou plante le couteau dans la table, comme au temps de Gramsci. Mais on le sait, la musique adoucit les mœurs, et le pays de Paolo Fresu n’est pas en reste de ce côté-là. Comme elle sentait que son timbre mûri en pleine Méditerranée se marierait bien avec les manières continentales, Lou di Franco, alors âgée de 20 ans, a mis les voiles : d’abord direction Berlin (histoire de goûter à son Kulturell-melting-pot), puis, et c’est là qu’on a de la chance, direction la France, Gainsbourg, Salvador et Dutronc…

Dans ses valises, quand elle passe la douane en 2005, on trouve toutes (excellentes) sortes de rock souterrain (Tool, Blonde Redhead), mais surtout du jazz, du jazz, du jazz ! Du jazz qu’elle rêve alors de mêler à la pop, pour clarifier le message, adoucir l’atmosphère et inviter plus de monde dans son monde. Ça tombe bien, le guitariste et auteur-compositeur Jérôme Broyer (Djivilli Quartet, J.B. Trio, Agnès Bihl,…) a le même projet, au même moment : leur rencontre marque une étape décisive dans l’aventure de Lou di Franco, qui a toujours plus soif de mettre des jolis mots sur ses impros.

Le troisième larron, ce sera Didier Grebot, un ami d’un ami on-ne-peut plus recommandable, Monsieur Yves Jamait. Lou avait la voix, J.B. avait la guitare ; Didier G. a le studio. Une batterie (Benoit Kalka) et un clavier (Thomas Loyer) plus tard – et voilà une première galette poétique et pop, et pop et jazz ! …et pop et sarde, per sempre sarde, parce qu’on peut être belle sans être infidèle…